Être enseignant est l’une des professions les plus enrichissantes, mais aussi l’une des plus exigeantes. Les enseignants portent la responsabilité de former et d’inspirer la prochaine génération. Cette tâche comporte son lot de défis et d’incertitudes. Il n’est donc pas surprenant que de nombreux enseignants aient parfois des doutes sur leurs compétences. Dans cet article, nous explorerons des raisons amenant les enseignants à éprouver ce sentiment d’incertitude et des solutions pour surmonter ces doutes.
Pourquoi les enseignants doutent-ils parfois de leurs compétences ?
1. Des parcours très linéaires
Nombre d’enseignants n’ont pas eu d’autre expérience professionnelle significative que l’enseignement. Certains ont éventuellement eu des jobs étudiant ou saisonniers pour se payer leurs années d’études. En effet, ils ont, pour certains, emprunté le chemin « classique » : fac – concours – année de stage – affectation en établissement. Donc, d’une certaine façon, ils n’ont connu que l’univers de l’enseignement, passant du lycée aux études supérieures puis… de nouveau à l’école, au collège ou au lycée, selon leurs niveaux d’enseignement. Pas facile de se projeter ailleurs, ou de devoir faire un CV quand on n’en a pas fait depuis plus de 10 ans !
2. Idéalisme éducatif vs réalité du terrain
De nombreux enseignants entrent dans la profession avec certains idéaux, rêvant de beaucoup apporter leurs élèves. Cependant, une fois sur le terrain, la réalité peut être bien différente. On peut citer, par exemple, le manque de reconnaissance de la part de la hiérarchie, des élèves et des parents d’élèves, les classes surchargées, les contraintes budgétaires, les divers besoins des élèves, etc. Tout cela peut créer un écart entre les attentes idéalisées et la réalité quotidienne. In fine, ce décalage peut conduire les enseignants à remettre en question leurs compétences, voire à mettre en doute le sens de leur travail. Tout cela, même s’ils font de leur mieux dans des circonstances parfois difficiles.
3. Adapter ses compétences professionnelles aux évolutions pédagogiques
Le domaine de l’éducation évolue rapidement : intégration croissante de la technologie, de nouvelles approches et méthodes pédagogiques, pouvant parfois faire débat au sein de la communauté éducative. Pour les enseignants, rester à jour et s’adapter à ces changements peut être un défi constant. Cela est d’autant plus vrai, que les propositions de formation académiques ne sont pas toujours à la hauteur, ni ajustées à leurs besoins réels. À cela s’ajoutent les changements de priorités (le sport, la laïcité, la santé, les « fondamentaux », etc.), et de programmes scolaires au gré des différents ministres passant rue de Grenelle. Le sentiment de ne pas être à la hauteur peut entraîner des doutes sur les compétences, même chez les enseignants les plus expérimentés. On peut même parler de syndrome de l’imposteur dans de nombreuses circonstances.
4. Peu de retours positifs sur leurs compétences professionnelles et d’analyse de pratique
Le temps dédié à l’analyse de pratique des enseignants est limité à trois « rendez-vous de carrière ». Au 6e, au 8e et au 9e échelon, soit vers les 7e, 14e et 17e années de carrière. Autrement dit, les retours par un inspecteur sont très limités. Dans le privé, il existe des entretiens ou évaluations annuels, par exemple. Ces rendez-vous ont remplacé les inspections. Mais ils sont encore trop souvent perçus et vécus comme des « inspections sanctions ». Ce genre de rencontre ressemble parfois plus au pointage de tout ce qui ne va pas durant 1 h d’observation. Au lieu de pousser les enseignants à voir cela comme une opportunité d’apprentissage et d’amélioration sur leur pratique, et de reconnaissance de leurs capacités. Comme si cela suffisait à faire un retour objectif sur tout le travail réalisé durant plusieurs années par l’enseignant.
À ce propos, nous vous conseillons la lecture du savoureux passage relatant son dernier rendez-vous de carrière par William Lafleur, dans L’ex plus beau métier du monde.
5. Pression sociale et attentes élevées
La société place souvent des attentes élevées sur les épaules des enseignants. En effet, les « profs » sont non seulement chargés de transmettre des connaissances, mais aussi de contribuer au développement social et émotionnel des élèves. Pour cela, ils doivent les sensibiliser à tout un tas d’éléments qui viennent s’ajouter à leurs multiples tâches. Il arrive d’ailleurs fréquemment que des entités, des médias, rendent les enseignants responsables de ce qui ne va pas. Le harcèlement, ce serait de leur faute ; la malbouffe aussi ; la violence également, etc. Cette pression sociale accrue peut conduire à des moments d’auto-évaluation sévère. Ainsi, les enseignants doutent de leur capacité à répondre à ces attentes multiples et ne s’en sentent pas légitimes. Une certaine lassitude face à toutes ces injonctions s’est notamment exprimée sur les réseaux sociaux sous le hashtag #profbashing.
Comment surmonter les doutes que les enseignants ont sur leurs compétences ?
1. Reconnaître ses doutes et… en douter
Voici des pistes de travail. L’enseignant peut se demander lesquels de ses doutes sont légitimes. Lesquels peuvent être mis de côté ? Ensuite, il les trie selon leur importance. Cet exercice lui permettra de prendre du recul et d’identifier d’éventuelles peurs qui se cachent derrière eux.
2. Être bienveillant avec soi-même
Il ne s’agit pas forcément de s’auto-envoyer des fleurs, mais d’être objectif et réaliste. L’enseignant peut, de façon très détachée, se demander quelles sont vos réussites. De quoi est-il fier dans l’exercice de ses fonctions ? Toute ces fiertés sont à noter sur une grande feuille de papier. Cela permet de remplacer le sentiment d’échec perçu par un sentiment de fierté. Plutôt mieux pour l’estime de soi !
3. Lister ses compétences
Pour identifier ses compétences, l’enseignant peut décortiquer, tâche après tâche, situation après situation, sa journée de travail. Il peut classer ses compétences en trois colonnes : les savoirs mis en œuvre, les savoir-faire mis en action, les savoir-être dont il a fait preuve. Utiliser des verbes d’action à l’infinitif aide à bien décortiquer tout cela. Les enseignants qui choisiraient de faire cet exercice pourraient aussi demander leur avis à des collègues ou des proches. Ainsi, cela les éclaireraient sur la façon dont ils sont perçus par les autres. Cela devrait les rassurer sur leurs capacités réelles.
Besoin d’un peu de méthodologie pour identifier vos compétences ? Consultez notre article Identifier vos compétences clés : une étape cruciale pour une transition de carrière réussie.
4. Arrêter de se mettre la pression
La perfection existe-t-elle ? Non, quelles que soient les circonstances, et à plus forte raison dans un métier où la dimension humaine est très forte, et les imprévus nombreux. Pour diminuer la pression professionnelle qu’il vit, le professeur peut prioriser ses objectifs pédagogiques. En choisissant ceux sur lesquels il veut vraiment passer du temps, il s’en libère pour développer ses compétences. Pour ses objectifs moins prioritaires, il peut aller chercher des ressources auprès de collègues ou sur Internet, par exemple. Il les adapte ensuite à sa pratique, sans y passer des heures. Poser des limites peut aussi lui être bénéfique : par exemple, le droit à la déconnexion existe. Ainsi, il peut mettre en pause la réception des messages et notifications d’ordre professionnel les soirs et les week-ends. Le monde ne s’effondrera pas 2 jours après avoir envoyé un message, Timéo ou ses parents n’ont pas obtenu de réponse. Et l’enseignant pas moins compétent ou moins professionnel.
En conclusion, les doutes sur leurs compétences font partie intégrante du parcours professionnel des enseignants. Cependant, en adoptant une approche positive, il est possible de les surmonter pour ne plus douter de soi.